Il ne se passe pas une année sans que l’on ne parle de manque des antirétroviraux au Gabon. Une pénurie qui suscite parfois la colère des malades victimes du Sida. D’où la convocation du Premier ministre gabonais, Julien Nkoghe Bekalé, à son cabinet hier mardi, de tous les ministres impliqués dans la commande des antirétroviraux, les médicaments de prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA, dont certaines molécules sont actuellement en rupture de stock dans le pays.
Par Tar’Engongha
Le Gabon est l’un des pays africains qui se procure des antirétroviraux sur fonds. Pour causes de la mal gouvernance et autres déboires dans le suivi et le traitement de ce dossier auprès des institutions onusiennes en charge de ce pan de la santé publique. Depuis plus de 10 ans, les malades infectés du VIH/Sida au Gabon ne cessent clamer à vives voix la pénurie ou le retard en provisionnement de cette molécule dans des centres de traitement antirétroviraux(CTA) du pays. Mal ces cis d’alarme, c’est toujours le statu quo. L’an dernier, une boule de neige s’est éclatée entre les directions de CTA de Libreville et les malades. A l’hôpital spécialisé de Nkembo, la tutelle avait lancé des poursuites judicaires à l’encontre des médecins véreux qui commercialisaient des faux antirétroviraux aux malades internés dans cette structure hospitalière de Libreville. Bref, les cas sont légions.
Les causes produisant les mêmes effets, le tout nouveau premier ministre s’est saisi de ce dossier pour en savoir plus. Lequel qui a réuni hier à son cabinet tous les ministres impliqués par ce dossier afin d’y voir clair. En clair, Julien Nkoghe Bekalé voulait savoir pourquoi le Gabon est arrivé à une telle rupture ?
Selon des informations collectées par notre confrère Gabonactu.com auprès d’un expert indépendant très introduit, il ressort que « le Gabon est l’un des pays de la CEMAC qui achète seul tous ses antirétroviraux. Le pays ne bénéficie pas du soutien du Fond mondial de lutte contre le SIDA, le paludisme et la tuberculose. C’est ce fond mondial qui arrose tous les pays pauvres en antirétroviraux a retiré le Gabon de sa liste des bénéficiaires ».
D’après toujours notre confrère, Libreville a dans le passé bénéficié des financements du fond. Le problème c’est qu’à l’époque le pays disposait encore d’une importante marge financière. Les experts gabonais de la Santé n’utilisaient pas les crédits alloués au Gabon parce que la contrainte était de justifier les dépenses par des rapports millimétrés, a expliqué un expert indépendant à Gabonactu.com.
Le Fond mondial de lutte contre le SIDA, le paludisme et la tuberculose ayant constaté que les gabonais n’avaient pas besoin de son argent, probablement pour faire valoir l’orgueil gabonais, a décidé de couper ses lignes budgétaires.
Conséquence, le Gabon est obligé d’acheter seul les antirétroviraux pour sa population, les médicaments et vaccins contre le paludisme et la tuberculose. La facture est très lourde. Rien que pour le SIDA, le pays avait tablé sur une enveloppe de 4 milliards de FCFA en 2018. Le gouvernement n’a débloqué que 950 millions de FCFA toute l’année.
Plus grave, le gouvernement ne passe pas une commande annuelle comme recommandé par l’ONUSIDA. Libreville passe des commandes pour des courtes périodes de 3 mois. Ce choix ne facilite pas la tâche des fabricants indiens qui fournissent le marché gabonais. Non seulement les quantités commandées sont très petites, mais les délais de fabrication sont très courts. Les indiens sont obligés de surfacturer le Gabon pour avoir ses médicaments à temps. Conclusion, c’est le Gabon qui est perdant sur toute la ligne.
Autre choix hasardeux, Libreville ne respecte pas la consigne de l’OMS et de l’ONUSIDA sur les stocks de sécurité. Le pays puise constamment sur ses maigres réserves de sécurité pour donner l’impression d’une certaine stabilité. Cette politique justifie les nombreuses ruptures de stocks.
Les choix du Gabon sont donc entièrement mauvais. Idem pour la disponibilité des préservatifs. L’Etat a complètement démissionné. Les préservatifs au 21ème siècle sont vendus à 500 ou 1 000 FCFA l’unité dans les maisons closes. Ce commerce est aujourd’hui monopolisé au vu et au su de l’Etat par des businessmen ouest-africains sans que l’on sache leur circuit d’approvisionnement.
Inutile de parler de la prévention. Plus un seul effort n’est consenti pour sensibiliser les jeunes qui quittent l’enfance pour une vie sexuellement active. Aucun message de prévention à la télévision nationale, aucune émission dans les médias publics, les affiches publicitaires dans les rues sont anecdotiques. Tout se passe comme si le Gabon qui est parti d’une prévalence de 7,1% au début des années 2000 à 4,1% après 2010 a vaincu le SIDA. Et pourtant il y a officiellement 52 000 personnes vivant avec VIH. Parmi eux, il y a certainement des suicidaires qui redistribuent volontairement la maladie à d’innocents gens.